Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/552

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Catherine, entrée dans sa chambre, ne se déshabilla ni ne se coucha. Elle attendit.

Elle écouta sonner dix heures et demie, puis onze heures moins un quart.

A onze heures moins un quart, elle éteignit sa lampe et descendit dans la salle à manger.

Les fenêtres de la salle à manger donnaient sur le chemin ; elle ouvrit une fenêtre et sauta lestement à terre. Elle laissa la fenêtre ouverte pour pouvoir rentrer, et se contenta de rapprocher l’un des contrevents.

Puis elle courut, dans la nuit, à l’endroit indiqué, et là, le cœur bondissant, les jambes tremblantes, une main sur sa tête brûlante, l’autre sur sa poitrine près d’éclater, elle attendit. Elle n’eut pas longtemps à attendre. Un bruit de chevaux courant lui arriva.

Elle fit un pas en avant.

Isidore était près d’elle.

Le laquais se tint en arrière.

Sans descendre de cheval, Isidore lui tendit le bras, l’enleva sur son étrier, l’embrassa et lui dit :

— Catherine, ils ont tué hier, à Versailles, mon frère Georges ; Catherine, mon frère Olivier m’appelle ; Catherine, je pars. Une exclamation douloureuse retentit, Catherine serra furieusement Charny entre ses bras.

— Oh ! s’écria-t-elle, s’ils ont tué votre frère Georges, ils vont vous tuer aussi. — Catherine, quoi qu’il arrive, mon frère aîné m’attend ; Catherine, vous savez si je vous aime. — Ah ! restez, restez, cria Catherine, qui, à ce que lui disait Isidore, ne comprit qu’une seule chose : c’est qu’il partait. — Mais l’honneur, Catherine  ! mais mon frère Georges ! mais la vengeance ! — Oh ! malheureuse que je suis ! cria Catherine. Et elle se renversa, raide et palpitante, dans les bras du cavalier. Une larme roula des yeux d’Isidore et tomba sur le cou de la jeune fille.

— Oh ! vous pleurez, dit-elle ; merci, vous m’aimez ! — Ah ! oui, oui, Catherine, mon frère, l’aîné, ce frère m’écrit : Viens ; il faut que j’obéisse. — Allez donc, dit Catherine, je ne vous retiens plus. — Un dernier baiser, Catherine. — Adieu !

Et la jeune fille résignée, car elle avait compris qu’à cet ordre de son frère rien n’empêcherait Isidore d’obéir, la jeune fille glissa des bras de son amant jusqu’à terre.

Isidore détourna les yeux, soupira, hésita un instant ; mais, entraîné