Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/23

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— Mais impossible !… tu le sais bien.

— Comment, impossible ?

— Eh ! oui, nous sommes de service chez Son Altesse Royale.

— Mordi, c’est ma foi vrai ; j’oublie toujours que nous sommes en grade, et que de gentilshommes que nous étions nous avons eu l’honneur de passer valets.

Et les deux amis allèrent exposer à la reine et à la duchesse la nécessité où ils étaient d’assister au moins au coucher de monsieur le duc.

— C’est bien, dit madame de Nevers, nous partons de notre côté.

— Et peut-on savoir où vous allez ? demanda Coconnas.

— Oh ! vous êtes trop curieux, dit la duchesse. Quære et invenies.

Les deux jeunes gens saluèrent et montèrent en toute hâte chez M. d’Alençon.

Le duc semblait les attendre dans son cabinet.

— Ah ! ah ! dit-il, vous voilà bien tard, Messieurs.

— Dix heures à peine, Monseigneur, dit Coconnas.

Le duc tira sa montre.

— C’est vrai, dit-il. Tout le monde est couché au Louvre cependant.

— Oui, Monseigneur, mais nous voici à vos ordres. Faut-il introduire dans la chambre de Votre Altesse les gentilshommes du petit coucher ?

— Au contraire, passez dans la petite salle et congédiez tout le monde.

Les deux jeunes gens obéirent, exécutèrent l’ordre donné, qui n’étonna personne à cause du caractère bien connu du duc, et revinrent près de lui.

— Monseigneur, dit Coconnas, Votre Altesse va sans doute se mettre au lit ou travailler ?

— Non, Messieurs ; vous avez congé jusqu’à demain.

— Allons, allons, dit tout bas Coconnas à l’oreille de La Mole, la cour découche ce soir, à ce qu’il paraît ; la nuit sera friande en diable, prenons notre part de la nuit.

Et les deux jeunes gens montèrent les escaliers quatre à quatre, prirent leurs manteaux et leurs épées de nuit, et s’élancèrent hors du Louvre à la poursuite des deux dames, qu’ils rejoignirent au coin de la rue du Coq-Saint-Honoré.