Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/47

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pauvre fille comme moi ? quelle gracieuse pensée peut sortir de cet assemblage de lettres avec lesquelles le hasard a écrit Marie Touchet ?

— Oh ! l’anagramme de ce nom, sire, dit Henri, est trop facile, et je n’ai pas eu grand mérite à la trouver.

— Ah ! ah ! c’est déjà fait, dit Charles. Tu vois… Marie.

Henri tira de la poche de son pourpoint ses tablettes, en déchira une page, et en dessous du nom :

Marie Touchet,


écrivit :

Je charme tout.

Puis il passa la feuille à la jeune femme.

— En vérité, s’écria-t-elle, c’est impossible !

— Qu’a-t-il trouvé ? demanda Charles.

— Sire, je n’ose répéter, moi.

— Sire, dit Henri, dans le nom de Marie Touchet, il y a, lettre pour lettre, en faisant de l’I un J, comme c’est l’habitude : Je charme tout.

— En effet, s’écria Charles, lettre pour lettre. Je veux que ce soit ta devise, entends-tu, Marie ? Jamais devise n’a été mieux méritée. Merci, Henriot. Marie, je te la donnerai écrite en diamants.

Le souper s’acheva ; deux heures sonnèrent à Notre-Dame.

— Maintenant, dit Charles, en récompense de son compliment, Marie, tu vas lui donner un fauteuil où il puisse dormir jusqu’au jour ; bien loin de nous seulement, parce qu’il ronfle à faire peur. Puis, si tu t’éveilles avant moi, tu me réveilleras, car nous devons être à six heures du matin à la Bastille. Bonsoir, Henriot. Arrange-toi comme tu voudras. Mais, ajouta-t-il en s’approchant du roi de Navarre et en lui posant la main sur l’épaule, sur ta vie, entends-tu bien, Henri ? sur ta vie, ne sors pas d’ici sans moi, surtout pour retourner au Louvre.

Henri avait soupçonné trop de choses dans ce qu’il n’avait pas compris pour manquer à une telle recommandation.

Charles IX entra dans sa chambre, et Henri, le dur montagnard, s’accommoda sur un fauteuil, où bientôt il justifia