— Eh bien ! Madame, dit-il en essayant de tourner la chose au rire ; pardieu ! vous m’attendez pour me gronder, n’est-ce pas ? j’ai fait manquer irréligieusement votre petit projet. Eh ! mort d’un diable ! je ne pouvais pas cependant laisser arrêter et conduire à la Bastille l’homme qui venait de me sauver la vie. Je ne voulais pas non plus me quereller avec vous ; je suis bon fils. Et puis, ajouta-t-il tout bas, le bon Dieu punit les enfants qui se querellent avec leur mère, témoin mon frère François II. Pardonnez-moi donc franchement, et avouez ensuite que la plaisanterie était bonne.
— Sire, dit Catherine, Votre Majesté se trompe ; il ne s’agit pas d’une plaisanterie.
— Si fait, si fait ! et vous finirez par l’envisager ainsi, ou le diable m’emporte !
— Sire, vous avez par votre faute fait manquer tout un plan qui devait nous amener à une grande découverte.
— Bah ! un plan… Est-ce que vous êtes embarrassée pour un plan avorté, vous, ma mère ? Vous en ferez vingt autres, et dans ceux-là, eh bien ! je vous promets de vous seconder.
— Maintenant, me secondassiez-vous, il est trop tard, car il est averti et il se tiendra sur ses gardes.
— Voyons, fit le roi, venons au but. Qu’avez-vous contre Henriot ?
— J’ai contre lui qu’il conspire.
— Oui, je comprends bien, c’est votre accusation éternelle ; mais tout le monde ne conspire-t-il pas peu ou prou dans cette charmante résidence royale qu’on appelle le Louvre ?
— Mais lui conspire plus que personne, et il est d’autant plus dangereux que personne ne s’en doute.
— Voyez-vous, le Lorenzino ! dit Charles.
— Écoutez, dit Catherine s’assombrissant à ce nom qui lui rappelait une des plus sanglantes catastrophes de l’histoire florentine ; écoutez, il y a un moyen de me prouver que j’ai tort.
— Et lequel, ma mère ?
— Demandez à Henri qui était cette nuit dans sa chambre.
— Dans sa chambre… cette nuit ?
— Oui. Et s’il vous le dit…
— Eh bien ?
— Eh bien ! je suis prête à avouer que je me trompais.