Page:Dumas - La Reine Margot (1886).djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
173
LA REINE MARGOT.

Catherine attendait en effet quelqu’un, comme elle l’avait dit à son fils. Un instant après qu’il fut sorti, une de ses femmes vint lui parler tout bas. La reine sourit, se leva, salua les personnes qui lui faisaient la cour et suivit la messagère.

Le Florentin René, celui auquel le roi de Navarre, le soir même de la Saint-Barthélémy, avait fait un accueil si diplomatique, venait d’entrer dans son oratoire.

— Ah ! c’est vous, René ! lui dit Catherine ; je vous attendais avec impatience.

René s’inclina.

— Vous avez reçu hier le petit mot que je vous ai écrit ?

— J’ai eu cet honneur.

— Avez-vous renouvelé, comme je vous le disais, l’épreuve de cet horoscope tiré par Ruggieri et qui s’accorde si bien avec cette prophétie de Nostradamus, qui dit que mes fils régneront tous trois ?… Depuis quelques jours, les choses sont bien modifiées, René, et j’ai pensé qu’il était possible que les destinées fussent devenues moins menaçantes.

— Madame, répondit René en secouant la tête, Votre Majesté sait bien que les choses ne modifient pas la destinée ; c’est la destinée au contraire qui gouverne les choses.

— Vous n’en avez pas moins renouvelé le sacrifice, n’est-ce pas ?

— Oui, Madame, répondit René, car vous obéir est mon premier devoir.

— Eh bien, le résultat ?

— Est demeuré le même, Madame.

— Quoi ! l’agneau noir a toujours poussé ses trois cris ?

— Toujours, Madame.

— Signe de trois morts cruelles dans ma famille ! murmura Catherine.

— Hélas ! dit René.

— Mais ensuite ?

— Ensuite, Madame, il y avait dans ses entrailles cet étrange déplacement du foie que nous avons déjà remarqué dans les deux premiers et qui penchait en sens inverse.

— Changement de dynastie. Toujours, toujours, toujours ! grommela Catherine. Il faudra cependant combattre cela, René ! continua-t-elle.