Page:Dumas - La Reine Margot (1886).djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
LA REINE MARGOT.

— Vous m’en enverrez un coffret garni.

— Desquels ?

— Des derniers, de ceux…

Catherine s’arrêta.

— De ceux qu’aimait particulièrement la reine de Navarre ? reprit René.

— Précisément.

— Il n’est point besoin de les préparer, n’est-ce pas, Madame ? car Votre Majesté y est à cette heure aussi savante que moi.

— Tu trouves ? dit Catherine. Le fait est qu’ils réussissent.

— Votre Majesté n’a rien de plus à me dire ? demanda le parfumeur.

— Non, non, reprit Catherine pensive ; je ne crois pas, du moins. Si toutefois il y avait du nouveau dans les sacrifices, faites-le-moi savoir. À propos, laissons là les agneaux, et essayons des poules.

— Hélas ! Madame, j’ai bien peur qu’en changeant la victime, nous ne changions rien aux présages.

— Fais ce que je dis.

René salua et sortit.

Catherine resta un instant assise et pensive ; puis elle se leva à son tour et rentra dans sa chambre à coucher, où l’attendaient ses femmes et où elle annonça pour le lendemain le pèlerinage à Montfaucon.

La nouvelle de cette partie de plaisir fut pendant toute la soirée le bruit du palais et la rumeur de la ville. Les dames firent préparer leurs toilettes les plus élégantes, les gentilshommes leurs armes et leurs chevaux d’apparat. Les marchands fermèrent boutiques et ateliers, et les flâneurs de la populace tuèrent, par-ci, par-là, quelques huguenots épargnés pour la bonne occasion, afin d’avoir un accompagnement convenable à donner au cadavre de l’amiral.

Ce fut un grand vacarme pendant toute la soirée et pendant une bonne partie de la nuit.

La Mole avait passé la plus triste journée du monde, et cette journée avait succédé à trois ou quatre autres qui n’étaient pas moins tristes.

M. d’Alençon, pour obéir aux désirs de Marguerite, l’avait installé chez lui, mais ne l’avait point revu depuis. Il se sentait tout à coup, comme un pauvre enfant abandonné,