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LA REINE MARGOT.

Un large flot de sang écumait autour d’eux.

— Oh ! brave, brave La Mole ! s’écria Marguerite, incapable de renfermer plus longtemps en elle son admiration. Ah ! pardon, mille fois pardon de t’avoir soupçonné !

Et ses yeux se remplirent de larmes.

— Hélas ! hélas ! murmura la duchesse, valeureux Annibal… Dites, dites, Madame, avez-vous jamais vu deux plus intrépides lions ?

Et elle éclata en sanglots.

— Tudieu ! les rudes coups ! dit le capitaine en cherchant à étancher le sang qui coulait à flots… Holà ! vous qui venez, venez plus vite !

En effet, un homme, assis sur le devant d’une espèce de tombereau peint en rouge, apparaissait dans la brume du soir, chantant cette vieille chanson que lui avait sans doute rappelée le miracle du cimetière des Innocents :


 
Bel aubespin fleurissant,
Verdissant,
Le long de ce beau rivage,
Tu es vêtu, jusqu’au bas,
Des longs bras
D’une lambrusche sauvage.

Le chantre rossignolet,
Nouvelet,
Courtisant sa bien-aimée,
Pour ses amours alléger,
Vient loger
Tous les ans sous ta ramée.

Or, vis, gentil aubespin,
Vis sans fin ;
Vis, sans que jamais tonnerre,
Ou la cognée, ou les vents,
Ou le temps
Te puissent ruer par…


— Holà hé ! répéta le capitaine, venez donc quand on vous appelle ! Ne voyez-vous pas que ces gentilshommes ont besoin de secours ?

L’homme au chariot, dont l’extérieur repoussant et le vi-