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LA REINE MARGOT.

assez peu convenable, eu égard à la majesté du lieu où l’on se trouvait.

— Nous allons nous faire arrêter, dit Coconnas ; mais n’importe, c’est bien drôle. Dis donc, La Mole, est-ce qu’il y aurait des revenants au Louvre ?

— Je n’en sais rien, dit le jeune homme, aussi pâle que la plume qui ombrageait son front ; mais j’ai toujours désiré en voir, et comme l’occasion s’en présente, je ferai de mon mieux pour me trouver face à face avec celui-là.

— Je ne m’y oppose pas, dit Coconnas, seulement frappe un peu moins fort si tu ne veux pas l’effaroucher.

La Mole, si exaspéré qu’il fût, comprit la justesse de l’observation et continua de frapper, mais plus doucement.





XXV

le manteau cerise.


Coconnas ne s’était point trompé. La dame qui avait arrêté le cavalier au manteau cerise était bien la reine de Navarre ; quant au cavalier au manteau cerise, notre lecteur a déjà deviné, je présume, qu’il n’était autre que le brave de Mouy.

En reconnaissant la reine de Navarre, le jeune huguenot comprit qu’il y avait quelque méprise : mais il n’osa rien dire, dans la crainte qu’un cri de Marguerite ne le trahît. Il préféra donc se laisser amener jusque dans les appartements, quitte, une fois arrivé là, à dire à sa belle conductrice :

— Silence pour silence, Madame.

En effet, Marguerite avait serré doucement le bras de celui que, dans la demi-obscurité, elle avait pris pour La Mole, et, se penchant à son oreille, elle lui avait dit en latin :

Sola sum ; introito, carissime[1].
  1. Je suis seule ; entrez, mon cher.