Page:Dumas - La Reine Margot (1886).djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
286
LA REINE MARGOT.

chose, c’est à être roi ; et à ce désir il sacrifierait en ce moment tout ce qu’il possède, et à plus forte raison ce qu’il ne possède pas. Adieu.

— Madame, dit en souriant La Mole, vous me renvoyez ?

— Il est tard, dit Marguerite.

— Sans doute ; mais où voulez-vous que j’aille ? M. de Mouy est dans ma chambre avec M. le duc d’Alençon.

— Ah ! c’est juste, dit Marguerite avec un admirable sourire. D’ailleurs, j’ai encore beaucoup de choses à vous dire à propos de cette conspiration.

À dater de cette nuit, La Mole ne fut plus un favori vulgaire, et il put porter haut la tête à laquelle, vivante ou morte, était réservé un si doux avenir.

Cependant, parfois, son front pesant s’inclinait vers la terre, sa joue pâlissait, et l’austère méditation creusait son sillon entre les sourcils du jeune homme, si gai autrefois, si heureux maintenant !





XXVII

la main de dieu.


Henri avait dit à madame de Sauve en la quittant :

— Mettez-vous au lit, Charlotte. Feignez d’être gravement malade, et sous aucun prétexte demain de toute la journée ne recevez personne.

Charlotte obéit sans se rendre compte du motif qu’avait le roi de lui faire cette recommandation. Mais elle commençait à s’habituer à ses excentricités, comme on dirait de nos jours, et à ses fantaisies, comme on disait alors.

D’ailleurs elle savait que Henri renfermait dans son cœur des secrets qu’il ne disait à personne, dans sa pensée des projets qu’il craignait de révéler même dans ses rêves ; de sorte qu’elle se faisait obéissante à toutes ses volontés, certaine que ses idées les plus étranges avaient un but.

Le soir même elle se plaignit donc à Dariole d’une grande