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LA REINE MARGOT.

vos Pyrénées, il faudra que vous m’envoyiez une pleine charretée d’ours, car ce doit être une belle chasse que celle qui se fait ainsi corps à corps avec un animal qui peut nous étouffer. Écoutez donc, je crois que j’entends les chiens. Non, je me trompais.

Le roi prit son cor et sonna une fanfare. Plusieurs fanfares lui répondirent. Tout à coup un piqueur parut qui fit entendre un autre air.

— La vue ! la vue ! cria le roi.

Et il s’élança au galop, suivi de tous les chasseurs qui s’étaient ralliés à lui.

Le piqueur ne s’était pas trompé. À mesure que le roi s’avançait, on commençait d’entendre les aboiements de la meute, composée alors de plus de soixante chiens, car on avait successivement lâché tous les relais placés dans les endroits que le sanglier avait déjà parcourus. Le roi le vit passer pour la seconde fois, et, profitant d’une haute futaie, se jeta sous bois après lui, donnant du cor de toutes ses forces.

Les princes le suivirent quelque temps. Mais le roi avait un cheval si vigoureux, emporté par son ardeur il passait par des chemins tellement escarpés, par des taillis si épais, que d’abord les femmes, puis le duc de Guise et ses gentilshommes, puis les deux princes, furent forcés de l’abandonner. Tavannes tint encore quelque temps ; mais enfin il y renonça à son tour.

Tout le monde, excepté Charles et quelques piqueurs qui, excités par une récompense promise, ne voulaient pas quitter le roi, se retrouva donc dans les environs du carrefour.

Les deux princes étaient l’un près de l’autre dans une longue allée. À cent pas d’eux, le duc de Guise et ses gentilshommes avaient fait halte. Au carrefour se tenaient les femmes.

— Ne semblerait-il pas, en vérité, dit le duc d’Alençon à Henri en lui montrant du coin de l’œil le duc de Guise, que cet homme, avec son escorte bardée de fer, est le véritable roi ? Pauvres princes que nous sommes, il ne nous honore pas même d’un regard.

— Pourquoi nous traiterait-il mieux que ne nous traitent nos propres parents ? répondit Henri. Eh ! mon frère ! ne sommes-nous pas, vous et moi, des prisonniers à la cour de France, des otages de notre parti ?