Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/186

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Rosa comprenait donc cette préférence que Cornélius donnait à la tulipe noire sur elle, mais elle n’en était que plus désespérée parce qu’elle comprenait.

Aussi Rosa avait-elle pris une résolution pendant cette nuit terrible, pendant cette nuit d’insomnie qu’elle avait passée.

Cette résolution, c’était de ne plus revenir au guichet.

Mais comme elle savait l’ardent désir qu’avait Cornélius d’avoir des nouvelles de sa tulipe, comme elle voulait bien ne pas s’exposer, elle, à revoir un homme pour lequel elle sentait sa pitié s’accroître à ce point qu’après avoir passé par la sympathie, cette pitié s’acheminait tout droit et à grands pas vers l’amour, mais comme elle ne voulait pas désespérer cet homme, elle résolut de poursuivre seule les leçons de lecture et d’écriture commencées, et heureusement elle était à ce point de son apprentissage qu’un maître ne lui eût plus été nécessaire si ce maître ne se fût appelé Cornélius.

Rosa se mit donc à lire avec acharnement dans la Bible du pauvre Corneille de Witt, sur la seconde feuille de laquelle, devenue la première depuis que l’autre était déchirée, sur la seconde feuille de laquelle était écrit le testament de Cornélius van Baerle.

— Ah ! murmurait-elle en relisant ce testament qu’elle n’achevait jamais sans qu’une larme, perle d’amour, ne roulât de ses yeux limpides sur ses joues pâlies, ah ! dans ce temps, j’ai pourtant cru un instant qu’il m’aimait.

Pauvre Rosa ! elle se trompait. Jamais l’amour du prisonnier n’avait été plus réel qu’arrivé au moment où nous sommes parvenus, puisque, nous l’avons dit avec embar-