Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/272

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nelle. Je me sens, depuis ma réclusion, une vigueur étrange, hargneuse, insupportable. J’ai des prurits de lutte, des appétits de bataille, des soifs incompréhensibles de horions. Je sauterai à la gorge de mon vieux scélérat, et je l’étranglerai !

Cornélius, à ces derniers mots, s’arrêta un instant, la bouche contractée, l’œil fixe.

Il retournait avidement dans son esprit une pensée qui lui souriait.

— Eh mais ! continua Cornélius, une fois Gryphus étranglé, pourquoi ne pas lui prendre les clefs ? pourquoi ne pas descendre l’escalier comme si je venais de commettre l’action la plus vertueuse ? pourquoi ne pas aller trouver Rosa dans sa chambre ? pourquoi ne pas lui expliquer le fait, et sauter avec elle de sa fenêtre dans le Wahal ?

Je sais certes assez bien nager pour deux.

Rosa ! mais mon Dieu, ce Gryphus est son père ; elle ne m’approuvera jamais — quelque affection qu’elle ait pour moi — de lui avoir étranglé ce père, si brutal qu’il fût, si méchant qu’il ait été. Besoin alors sera d’une discussion, d’un discours pendant la péroraison duquel arrivera quelque sous-chef ou quelque porte-clefs qui aura trouvé Gryphus râlant encore ou étranglé tout à fait, et qui me remettra la main sur l’épaule. Je reverrai alors le Buytenhoff et l’éclair de cette vilaine épée, qui cette fois ne s’arrêtera pas en route et fera connaissance avec ma nuque. Point de cela, Cornélius, mon ami ; c’est un mauvais moyen !

Mais alors que devenir et comment retrouver Rosa ?

Telles étaient les réflexions de Cornélius trois jours après la scène funeste de séparation entre Rosa et son père, juste