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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/26

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Rome ; c’était une occasion offerte au prince de faire honneur à son nom, à son rang : il la saisit comme il saisit toujours les occasions de ce genre. Pendant trois jours les fontaines du Capitole versèrent du vin ; pendant trois jours des tables publiques furent dressées sur le Forum. On n’avait pas vu pareille chose depuis César ; 45,000 écus y passèrent. 45,000 écus font environ 270,000 francs de notre monnaie.

Aussi, lorsque le grand-duc de Toscane songea à faire demander en mariage la sœur du roi de Naples, ce fut le prince Corsini qu’il chargea des négociations. Le prince Corsini accepta l’ambassade à la condition qu’il en ferait seul tous les frais. Le grand-duc comprit ce qu’il y avait de princier dans une pareille exigence ; il laissa carte blanche au prince Corsini, qui parut à la cour de Naples comme l’envoyé d’un empereur. Seulement, le mariage conclu, le grand-duc donna au prince Corsini la plaque de Saint-Joseph en diamans.

Tous les deux ou trois ans le prince Corsini donne un bal ; ce bal lui coûte de 40 à 50,000 francs. Quelques jours avant mon départ de Florence, j’ai assisté à une de ces fêtes : nous étions quinze cents invités ; il y eut pendant toute la nuit souper constamment servi pour tout le monde, et pas un valet, pas une pièce d’argenterie, pas un candélabre, pas une banquette, qui ne fût à la livrée ou aux armes des Corsini. Le vieux palais pouvait, disait-on, fournir encore toutes choses à cinq cents personnes de plus.

Maintenant, on ne s’étonnera pas que le prince fût revenu tout exprès de Rome pour faire à Florence les honneurs de ces fêtes, qui, se passant sous son balcon, semblent être données bien plus encore en son honneur qu’en celui de saint Jean.

L’entrée du palais Corsini est magnifique ; en montant l’escalier, que domine la statue de Clément XII, on pourrait se croire à Versailles : mille personnes tiendraient et danseraient à l’aise dans l’antichambre. À peine fûmes-nous entrés, que la princesse Corsini, que nous ne connaissions point encore, vint droit à nous avec une affabilité et une grâce toutes françaises. La princesse Corsini est Russe : elle a quitté l’Italie d’Asie pour l’Italie d’Europe, la Crimée