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PROUST.

rent alors qu’ils devaient agir comme ce chien de la fable qui mange le dîner de son maître. C’est ainsi que le laboratoire de Proust, où il avait réuni des collections du plus grand prix, où il avait placé, avec trop d’imprévoyance peut-être, toutes ses économies, c’est ainsi que son laboratoire, à la fois théâtre de ses plus beaux travaux et dépositaire de l’avenir de ses vieux jours, fut pillé et détruit. L’ancien professeur de Madrid, que la munificence royale avait placé dans une position si indépendante, est réduit tout à coup à la misère. Il est contraint, pour vivre, de chercher une dernière ressource dans la vente de quelques minéraux précieux qu’il avait emportés avec lui et qu’il destinait à des recherches ou à des cadeaux. « Je fus obligé, dit-il, et c’est la seule plainte que sa triste situation lui ait arrachée, je fus obligé de porter chez des marchands les minéraux que je destinais à l’analyse, et de leur dire : Fac ut lapides isti panem fiant, faites que ces pierres, se changent en pain. »

Le sort de ce chimiste distingué excitait un vif intérêt. À son insu, Berthollet, son rival, appela sur lui l’attention de Napoléon. Le haut mérite de Proust, l’éclat de ses travaux scientifiques, lui méritaient la bienveillance du grand homme ; mais Proust y avait un droit plus particulier, il avait découvert le sucre de raisin. L’empereur lui accorda