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RAYMOND LULLE.

les années de sa jeunesse dans les fêtes et les plaisirs. Le hasard le fit amoureux d’une dame, et amoureux passionné. Il n’est point de folie que cette passion ne lui ait inspirée. On le vit même, songez au temps et au pays, on le vit même pénétrer dans l’église à cheval, pour s’y faire remarquer de la dame de ses pensées.

Fatiguée de ses assiduités turbulentes, la signora Ambrosia de Castello lui écrivit une lettre qui nous est restée, où elle cherche à calmer cet amour dont elle se sent indigne, où elle rappelle à lui-même un esprit fait pour s’appliquer à des choses plus sérieuses. Raymond Lulle n’en continua pas moins ses poursuites ; il fit des vers en son honneur : elle occupait toutes ses pensées, et le délire de son amour ne s’apaisait nullement. Enfin, inspirée par la Providence, à ce que disent d’anciens auteurs, et voulant mettre un terme à ses importunités, elle lui donne un rendez-vous chez elle ; et là, après avoir répété ses conseils, sans rien gagner sur son esprit, elle ajoute : « Eh bien ! Raymond, vous m’aimez, et savez-vous ce que vous aimez ? Vous avez chanté mes louanges dans vos vers ; vous avez célébré ma beauté, vous avez loué surtout celle de mon sein. Eh bien ! voyez s’il mérite vos éloges, voyez si je suis digne de votre amour. » Et en même temps, elle lui découvrit ce sein, que rongeait un cancer affreux.