Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/176

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voulait dire : Bon ! je comprends. Et il se remit à l’ouvrage ; mais au bout d’un instant le vieillard étendit la main.

— Eh bien ! eh bien ! lui dit-il, que fais-tu ?

— Ce que je fais ?

— Oui, tu fermes le fond de mes culottes.

— Sans doute, je le ferme.

— Alors, par où passerai-je ma queue ?

— Comment, votre queue ?

— Certainement, ma queue.

— Ah ! c’est donc votre queue qui fait sous la table ce petit frôlement ?

— Juste : c’est une mauvaise habitude qu’elle a prise de s’agiter ainsi d’elle-même quand je suis content.

— En ce cas, dit le tailleur en riant de toute son âme, au lieu de s’effrayer comme il l’aurait dû d’une si singulière réponse ; en ce cas, je sais qui vous êtes ; et, du moment que vous avez une queue, je ne serais pas étonné que vous eussiez aussi le pied fourchu, hein ?

— Sans doute, dit le petit vieillard, regarde plutôt.

Et levant la jambe, il la passa à travers l’établi comme s’il n’eût eu à percer qu’un simple papier, et montra un pied aussi fourchu que celui d’un bouc.

— Bon ! dit le tailleur, bon ! Judith n’a qu’à bien se tenir.

Et il continua de travailler avec une telle promptitude, qu’au bout d’un instant les culottes se trouvèrent faites.

— Où vas-tu ? demanda le vieillard.

— Je vais rallumer le feu afin de chauffer mon fer à presser, et de donner un dernier coup aux coutures de vos culottes.

— Oh ! si c’est pour cela ce n’est pas la peine de te déranger.

Et il tira de la même poche dont il avait déjà tiré les verres et la bouteille un éclair qui s’en alla en serpentant allumer un fagot posé sur les chenets, et qui, s’enlevant par la cheminée, illumina pendant quelques secondes tous les environs. Le feu se mit à pétiller, et en une seconde le fer rougit.

— Eh ! eh ! s’écria le tailleur, que faites-vous donc ? vous allez faire brûler vos culottes.

— Il n’y a pas de danger, dit le vieillard ; comme je savais