Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/264

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voix d’un être vivant s’élève et parvient jusqu’à elle. Cette voix est celle d’une chèvre plaintive, perdue, égarée ; cette voix ranime le courage de la jeune fille : le pauvre animal fuyait lui-même devant la mort parmi les terres, les rochers et les arbres soulevés, fendus ou fracassés. A peine la chèvre aperçoit-elle Catherine, qu’elle accourt vers elle en bêlant, le malheur réunit les êtres, il efface jusqu’aux signes apparens des espèces, et, rapprochant l’homme de la brute, il les arme à la fois contre lui du secours de la raison et de l’instinct. La chèvre, déjà moins craintive à la vue de la jeune villageoise, s’approche d’elle ; celle-ci, de son côté, reprend à sa vue un peu plus décourage ; l’animal reçoit avec joie les caresses, puis il flaire en bêlant la gourde que la jeune fille tient à la main : ce langage est expressif, et la jeune fille le comprend. Elle verse de l’eau dans le creux de sa main et donne à boire à la chèvre altérée, puis elle partage avec elle la moitié de son pain bis ; et, le repas fini, toutes deux plus fortes, toutes deux plus confiantes, toutes deux se remettent en route, la chèvre marchant devant comme un guide protecteur ; toutes deux errent longtemps parmi les ruines de la nature sans but déterminé, gravissant les rocs les plus escarpés, se frayant un passage dans les voies les plus difficiles, la chèvre s’arrêtant chaque fois que la fatigue a retenu la jeune fille loin d’elle, et lui permettant de la rejoindre, ou la guidant par ses bêlemens. Enfin, toutes deux, après plusieurs heures de marche, se trouvent au milieu des ruines, ou plutôt sur le sol bouleversé et nu de la ville qui a cessé d’être.

» La petite ville de Seido fut également détruite et devint aussi le théâtre des plus affreux événemens.

» Menacés de la chute de leur maison vacillante, don Antonio Ruffo et sa femme s’oublient eux-mêmes pour ne songer qu’à leur enfant, jeune fille en bas âge. Ils se précipitent vers son berceau, la pressent contre leur poitrine, et essaient de fuir avec elle hors de la maison prête à s’écrouler sur eux. Au milieu d’une foule de décombres, ils gagnent la porte ; mais au moment où ils en touchent le seuil, la maison tombe et les écrase. Quelques jours après, en fouillant dans les ruines pour en retirer les cadavres, on reconnut que l’enfant n’était pas encore morte. Ce ne fut qu’avec peine qu’on