Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/291

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n’est qu’un bruit plus terrible et plus menaçant mêlé à tous ces bruits.

Notre suite, au reste, nous quittait comme elle s’était jointe à nous, oubliant de nous dire adieu comme elle avait oublié de nous dire bonjour, ne comprenant pas sans doute que chacun n’eût point sa part au calessino comme chacun a sa part au soleil. Au pont de la Maddalena, les deux gamins sautèrent à bas des brancards ; à la fontaine des Carmes, nous nous arrêtâmes pour laisser descendre la nourrice et la paysanne ; au Môle, nos deux lazzaronis se laissèrent couler à terre ; à Mergellina, notre pêcheur disparut. En arrivant à l’hôtel, nous croyions n’être plus possesseurs que des enfans du filet, lorsqu’en regardant sous la voilure nous vîmes que le filet était vide. Grâce à nous, chacun était arrivé à sa destination.

Grâce à notre équipage et à notre suite, on n’avait pas fait attention à nous, et nous étions rentrés à Naples sans qu’on nous eût même demandé nos passeports.

Comme à notre première arrivée, nous descendîmes à l’hôtel de la Vittoria, le meilleur et le plus élégant de Naples, situé à la fois sur Chiaja et sur la mer ; et le même soir, au clair de la lune, nous crûmes reconnaître notre speronare, qui se balançait à l’ancre à cent pas de nos fenêtres.

Nous ne nous étions pas trompés. Le lendemain, à peine étions-nous levés, qu’on nous annonça que le capitaine nous attendait, accompagné de tout son équipage. Le moment était venu de nous séparer de nos braves matelots. Il faut avoir vécu pendant trois mois isolés sur la mer, et d’une vie qui n’est pas sans danger, pour comprendre le lien qui attache le capitaine au navire, le passager à l’équipage. Quoique nos sympathies se fussent principalement fixées sur le capitaine, sur Nunzio, sur Giovanni, sur Philippe et sur Pietro, tous au moment du départ étaient devenus nos amis ; en touchant son argent, le capitaine pleurait ; en recevant leur bonne main les matelots pleuraient, et nous, Dieu me pardonne ! quelque effort que nous fissions pour garder notre dignité, je crois que nous pleurions aussi.

Depuis ce temps nous ne les avons pas revus, et peut-être ne les reverrons-nous jamais. Mais qu’on leur parle de nous,