Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/192

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passée de l’atelier dans la chambre, traînant une carotte qu’elle se mit à manger sous une table avec une impassibilité qui indiquait un excellent estomac, mais un fort mauvais cœur ; Jacques la regarda plusieurs fois de côté avec une expression qui peut-être eut fait peu d’honneur à un chrétien, mais qui était tout à fait excusable chez un singe. Sur ces entrefaites, le domestique rentra : il apportait Jacques II.

Jacques II n’était aucunement prévenu du spectacle qui l’attendait, de sorte que son premier mouvement fut tout à la crainte. Cette couche mortuaire sur laquelle était étendu un de ses semblables, ces animaux d’une autre espèce que la sienne qui entouraient le moribond, et dans lesquels il reconnut des hommes, c’est-à-dire une race habituée à persécuter la sienne, tout cela l’impressionna de telle façon, qu’il se mit à trembler de tous ses membres.

Mais aussitôt Fau alla vers lui, une praline à la main ; Jacques II prit le bonbon, le tourna et le retourna pour voir s’il n’y avait pas de surprise, le goûta du bout des dents, puis, convaincu par le témoignage de ses sens qu’on ne lui voulait aucun mal, revint peu à peu de son effroi.

Alors le domestique le déposa près de la couche de son compatriote, qui, faisant un dernier effort, se retourna de son côté, la mort empreinte sur le visage. Jacques II comprit alors ou du moins parut comprendre la mission qu’il était appelé à remplir ; il s’approcha du moribond, que les poches de ses bajoues d’a-