Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/207

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Jacques, déjà passablement hypothéquée par l’accident que nous venons de raconter.

Tony avait reçu, pendant la gelée, deux peaux de lion qu’un de ses amis, qui pour le moment chassait dans l’Atlas, lui avait envoyées d’Alger. Ces deux peaux de lion, fraîchement écorchées, avaient été saisies par le froid en arrivant en France, ce qui leur avait fait perdre leur odeur, et attendaient, déposées dans la chambre de Tony, qui comptait les faire tanner un jour ou l’autre et en orner son atelier. Or, comme, le dégel était arrivé, toute chose dégela, excepté la queue de Jacques, les peaux, en s’amollissant, reprirent cette odeur âcre et fauve qui annonce de loin aux animaux épouvantés la présence du lion. Il résulta de cette circonstance que Jacques, qui, vu l’accident qui lui était arrivé, avait obtenu la permission de demeurer dans l’atelier, éventa, avec cette subtilité d’odorat particulière à sa race, l’odeur terrible qui se répandait peu à peu dans l’appartement, et donna des signes d’inquiétude visible, que Tony prit d’abord pour un malaise occasionné par le retranchement d’un de ses membres les plus essentiels.

Cette inquiétude durait depuis deux jours ; depuis deux jours, Jacques, éternellement préoccupé d’une même idée, aspirait tous les courants d’air qui arrivaient jusqu’à lui, sautait des chaises sur les tables et des tables sur les rayons, mangeait à la hâte et en regardant avec crainte autour de lui, buvait à grande gorgée et s’étranglait en buvant, enfin menait une vie des plus agitées, lorsque par hasard je vins faire une visite à Tony.