Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/74

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c’était pendant une de ces journées des tropiques où le ciel pèse sur la terre : le pilote seul était à la barre, la vigie dans les haubans, et Catacoua sur son mâtereau : quant au reste de l’équipage, il cherchait le frais partout où il croyait pouvoir le trouver, tandis que le capitaine Pamphile lui-même, étendu dans son hamac et fumant son gourgouri, se faisait éventer par Double-Bouche avec une queue de paon. Cette fois, par extraordinaire, Jacques, au lieu de plumer sa poule, l’avait reposée intacte sur une chaise, s’était dépouillé de son tablier de cuisine et paraissait comme tout le monde, ou accablé par la chaleur ou perdu dans ses réflexions. Cependant cette atonie fut de courte durée : il jeta autour de lui un regard rapide et intelligent ; puis, comme effrayé de sa hardiesse, il ramassa une plume, la porta à sa gueule, la laissa retomber avec indifférence, se gratta le côté en clignant de l’œil ; et, d’un bond où l’observateur le plus méticuleux n’aurait pu voir que l’effet d’un caprice, il sauta sur le premier bâton de l’échelle : là, il s’arrêta encore un instant, regardant le soleil par les écoutilles, puis il se mit à monter nonchalamment sur le pont, comme un flâneur qui ne sait que faire, et qui s’en va cherchant des distractions sur le boulevard des Italiens.

» Arrivé au dernier échelon, Jacques vit le pont abandonné : on eût dit un navire vide qui flottait au hasard. Cette solitude parut satisfaire Jacques au dernier degré ; il se gratta le côté, fit claquer ses dents, cligna les yeux et exécuta deux petits sauts perpendiculaires, tout en ayant soin de chercher des yeux Catacoua, qu’il aperçut enfin