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Le Collier de la reine

— Pourquoi cela ?

— Parce que le ministre amènera co soir monsieur de Suffren.

— Très bien, à ce soir alors.

A ces mots, le jeune prince salua sa sœur avec cette charmante courtoisie qui lui était naturelle, et dispai’ut dans la foule.

Taverney père avait suivi des yeux son fils, tandis qu’il s’éloignait de la reine pour s’occuper du traîneau.

Mais bientôt son regard vigilant était revenu à la reine. Cette conversation animée de Marie-Antoinette avec son beau-frère n’était pas sans lui donner quelques inquiétudes, car cette conversation coupait en deux toute la familiarité témoignée naguère encore à son fils par la reine.

Aussi se contenta-t-il de faire un geste amical à Philippe ; quand celui-ci acheva de terminer les préparatifs indispensables au départ du traîneau, et le jeune homme ayant voulu, comme le lui prescrivait la reine, aller embrasser son père qu’il n’avait pas embrassé depuis dix ans, celui-ci l’éloigna de la main en disant :

— Plus tard, plus tard ; reviens après ton service et nous causerons.

Philippe s’éloigna donc, et le baron’vit avec joie que monsieur le comte d’Artois avait pris congé de la reine.

Celle-ci entra dans le traîneau et y fit entrer Andrée avec elle, et comme doux grands heiduques se présentaient pour pousser le traîneau :

— Non pas, non pas, dit la reine, je ne veux point aller de cette façon. Est-ce que vous ne patinez pas, monsieiar Je Taverney ?

— Pardonnez-moi, madame, répondit Philippe.

— Donnez des patins à monsieur le chevalier, ordonna la reine ; puis se retournant de son côté :

— Je ne sais quoi me dit que vous patinez aussi bien que Saint-Georges, ajouta-t-elle.

— Mais déjà autrefois, dit Andrée, Philippe patinait fort élégamment.

— Et maintenant vous ne connaissez plus de rival, n’est-ce pas, monsieur de Taverney ?