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Le collier de la Reine

— Monsieur le bailli ! s’écria le roi tout rayonnant. Et dès qu’il l’aperçut : Soyez le bienvenu à Versailles. Vous y apportez la gloire, vous y apportez tout ce que les héros donnent à leurs contemporains sur la terre ; je ne vous parle point de l’avenir, c’est votre propriété. Embrassez-moi, monsieur le bailli.

Monsieur de Suffren avait fléchi le genou, le roi le releva et l’embrassa si cordialement qu’un long frémissement de joie et de triomphe courut par toute rassemblée. Sans le respect dû au roi, tous les assistans se fusseat confondus en bravos et en cris d’approbation.

Le roi se tourna vers la reine.

— Madame, dit-il, voici monsieur de Suffren, le vainqueur de Trinquemale et de Gondelour, la terreur de nos voisins les Anglais, mon Jean-Bart à moi !

— Monsieur, dit la reine, je n’ai pas d’éloges à vous faire. Sachez seulement que vous n’avez pas tiré un coup de canon pour la gloire de la France sans que mon cœur ait battu d’admiration et de reconnaissance pour vous.

La reine avait à peine achevé que le comte d’Artois, s’approchant avec son fils, monsieur le duc d’Angoulême :

— Mon fils, dit-il, vous voyez un héros. Regardez-le bien, la chose est rare.

— Monseigneur, répondit le jeune prince à son père, tout à l’heure encore je lisais les grands hommes de Plutarque, mais je ne les voyais pas. Je vous remercie de m’avoir montré monsieur de Suffren.

Au murmure qui se fit autour de lui, l’enfant put comprendre qu’il venait de dire un mot qui resterait.

Le roi alors prit le bras de monsieur de Suffren et se disposa tout d’abord à l’emmener dans son cabinet pour l’entretenir en géographe de ses voyages et de son expédition.

Mais monsieur de Suffren fit une respectueuse résistance.

— Sire, dit-il, veuillez permettre, puisque Votre Majesté a tant de bontés pour moi...

— Oh ! s’écria le roi, vous demandez, monsieur de Suffren ?