Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
Le collier de la Reine

n’en rien dire à Sa Majesté avant que j’eusse obtenu la grâce du coupable.

— Accordée, accordée, s’écria le roi ; et je promets d’avance ma protection à tout indiscipliné qui saura venger ainsi l'honneur du pavillon et du roi de France. Vous eussiez dû me présenter cet officier, monsieur le bailli.

— Il est ici, répliqua monsieur de Suffren, et puisque Votre Majesté le permet...

Monsieur de Suffren se retourna.

— Approchez, monsieur de Charny, dit-il.

La reine tressaillit. Ce nom éveillait dans son esprit un souvenir trop récent pour être effacé.

Alors un jeune officier se détacha du groupe formé par monsieur de Suffren et apparut tout à coup aux yeux du roi.

La reine avait fait un mouvement de son côté pour aller au devant du jeune homme, tout enthousiasmée qu’elle était du récit de sa belle action.

Mais au nom, mais à la vue du marin que monsieur de Suffren présentait au roi, elle s’arrêta, pâlit et poussa comme un petit murmure.

Mademoiselle de Taverny, elle aussi, pâlit et regarda avec anxiété la reine.

Quant à monsieur de Charny, sans rien voir, sans rien regarder, sans que son visage exprimât d’autre émotion que le respect, il s’inclina devant le roi qui lui donna sa main à baiser ; puis il rentra modeste et tremblant, sous les regards avides de l’assemblée, dans le cercle d’officiers qui le félicitaient bruyamment et l’étoufiaient de caresses.

Il y eut alors un moment de silence et d’émotion, pendant lequel on eût pu voir le roi radieux, la reine souriante et indécise, monsieur de Charny les yeux baissés et Philippe, à qui l’émotion de la reine n’avait point échappé, inquiet et interrogateur.

— Allons, allons, dit enfin le roi, venez, monsieur de Suffren, venez, que nous causions ; je meurs du désir de