Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/34

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Mais en ce moment, comme Taverney vieillissait plus vite qu’il n’avait rajeuni…

— Hélas ! je le vois bien, dit-elle tristement, tout est vanité, tout est chimère ; le secret merveilleux a duré trente-cinq minutes.

— C’est-à-dire, reprit le comte de Haga, que pour se donner une jeunesse de deux ans, il faudrait boire un fleuve.

Chacun se mit à rire.

— Non, dit Condorcet, le calcul est simple : à trente-cinq gouttes pour trente-cinq minutes, c’est une misère de trois millions cent-cinquante-trois mille six gouttes, si l’on veut rester jeune un an.

— Une inondation, dit Lapeyrouse.

— Et cependant, à votre avis, monsieur, il n’en a pas été ainsi de moi, puisqu’une petite bouteille, quatre fois grande comme votre flacon, et que m’avait donnée votre ami Joseph Balsamo, a suffi pour arrêter chez moi la marche du temps pendant dix années.

— Justement, madame, et vous seule touchez du doigt la mystérieuse réalité. L’homme qui a vieilli et trop vieilli a besoin de cette quantité pour qu’un effet immédiat et puissant se produise. Mais une femme de trente ans, comme vous les avez, madame, ou un homme de quarante ans, comme je les avais quand nous avons commencé à boire l’élixir de vie, cette femme ou cet homme, pleins de jours et de jeunesse encore, n’ont besoin que de boire dix gouttes de cette eau à chaque période de décadence, et moyennant ces dix gouttes, celui ou celle qui les boira enchaînera éternellement la jeunesse et la vie au même degré de charme et d’énergie.

— Qu’appelez-vous les périodes de la décadence ? demanda le comte de Haga.

— Les périodes naturelles, monsieur le comte. Dans l’état de nature, les forces de l’homme croissent jusqu’à trente-cinq ans. Arrivé là, il reste stationnaire jusqu’à quarante. À partir de quarante, il commence à décroître, mais presque imperceptiblement jusqu’à cinquante. Alors, les périodes se rapprochent et se précipitent jusqu’au jour de