Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/52

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— Monsieur oublie que je suis gentilhomme, dit Favras un peu refroidi ; et s’il veut, par hasard, parler d’un suicide, je le préviens que je compte me respecter assez jusqu’au dernier moment pour ne pas me servir d’une corde tant que j’aurai une épée.

— Je ne vous parle pas d’un suicide, monsieur.

— Alors vous parlez d’un supplice.

— Oui.

— Vous êtes étranger, monsieur, et en cette qualité je vous pardonne.

— Quoi ?

— Votre ignorance. En France on décapite les gentilshommes.

— Vous règlerez cette affaire avec le bourreau, monsieur, dit Cagliostro, écrasant son interlocuteur sous cette brutale réponse.

Il y eut un instant d’hésitation dans l’assemblée.

— Savez-vous que je tremble à présent, dit monsieur de Launay ; mes prédécesseurs ont si tristement choisi que j’augure mal pour moi si je fouille au même sac qu’eux.

— Alors vous êtes plus raisonnable qu’eux, et vous ne voulez pas connaître l’avenir. Vous avez raison ; bon ou mauvais, respectons le secret de Dieu.

— Oh ! oh ! monsieur de Launay, dit madame Dubarry, j’espère que vous aurez bien autant de courage que ces messieurs.

— Mais je l’espère aussi, madame, dit le gouverneur en s’inclinant.

Puis se retournant vers Cagliostro :

— Voyons, monsieur, lui dit-il ; à mon tour, gratifiez-moi de mon horoscope, je vous en conjure.

— C’est facile, dit Cagliostro : un coup de hache sur la tête et tout sera dit.

Un cri d’effroi retentit dans la salle. Messieurs de Richelieu et Taverney supplièrent Cagliostro de ne pas aller plus loin ; mais la curiosité féminine l’emporta.

— Mais à vous entendre, vraiment, comte, lui dit madame Dubarry, l’univers entier finirait de mort violente.