Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/56

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Madame Dubarry poussa un cri et s’enfuit au salon près des autres convives.

Cagliostro allait y suivre ses compagnons.

— Un moment, fit Richelieu, il ne reste plus que Taverney et moi à qui vous n’ayez rien dit, mon cher sorcier.

— Monsieur de Taverney m’a prié de ne rien dire, et vous, monsieur le maréchal, vous ne m’avez rien demandé.

— Oh ! et je vous en prie encore, s’écria Taverney les mains jointes.

— Mais, voyons, pour nous prouver la puissance de votre génie, ne pourriez-vous pas nous dire une chose que nous deux savons seuls ?

— Laquelle ? demanda Cagliostro en souriant.

— Eh bien ! c’est ce que ce brave Taverney vient faire à Versailles au lieu de vivre tranquillement dans sa belle terre de Maison-Rouge, que le roi a rachetée pour lui il y a trois ans ?

— Rien de plus simple, monsieur le maréchal, répondit Cagliostro. Voici dix ans, monsieur avait voulu donner sa fille, mademoiselle Andrée, au roi Louis XV ; mais monsieur n’a pas réussi.

— Oh ! oh ! grogna Taverney.

— Aujourd’hui, monsieur veut donner son fils, Philippe de Taverney, à la reine Marie-Antoinette. Demandez-lui si je mens.

— Par ma foi ! dit Taverney tout tremblant, cet homme est sorcier, ou le diable m’emporte !

— Oh ! oh ! fit le maréchal, ne parle pas si cavalièrement du diable, mon vieux camarade.

— Effrayant ! effrayant ! murmura Taverney.

Et il se retourna pour implorer une dernière fois la discrétion de Cagliostro ; mais celui-ci avait disparu.

— Allons, Taverney, allons au salon, dit le maréchal ; on prendrait le café sans nous, ou nous prendrions le café froid, ce qui serait bien pis.

Et il courut au salon.

Mais le salon était désert ; pas un des convives n’avait eu