Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/175

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Dantès entendit rouler et grincer du fond de son cachot tous ces préparatifs, qui faisaient en haut beaucoup de fracas, mais qui, en bas, eussent été des bruits inappréciables pour toute autre oreille que pour celle d’un prisonnier accoutumé à écouter, dans le silence de la nuit, l’araignée qui tisse sa toile, et la chute périodique de la goutte d’eau qui met une heure à se former au plafond de son cachot.

Il devina qu’il se passait chez les vivants quelque chose d’inaccoutumé : il habitait depuis si longtemps une tombe qu’il pouvait bien se regarder comme mort.

En effet, l’inspecteur visitait l’un après l’autre chambres, cellules et cachots. Plusieurs prisonniers furent interrogés : c’étaient ceux que leur douceur ou leur stupidité recommandait à la bienveillance de l’administration ; l’inspecteur leur demanda comment ils étaient nourris, et quelles étaient les réclamations qu’ils avaient à faire.

Ils répondirent unanimement que la nourriture était détestable et qu’ils réclamaient leur liberté.

L’inspecteur leur demanda alors s’ils n’avaient pas autre chose à lui dire.

Ils secouèrent la tête. Quel autre bien que la liberté peuvent réclamer des prisonniers ?

L’inspecteur se tourna en souriant, et dit au gouverneur :

— Je ne sais pas pourquoi on nous fait faire ces tournées inutiles. Qui voit un prisonnier en voit cent ; qui entend un prisonnier en entend mille ; c’est toujours la même chose : mal nourris et innocents. En avez-vous d’autres ?

— Oui, nous avons les prisonniers dangereux ou fous, que nous gardons au cachot.