Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/273

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suggérée, on se le rappelle, au jeune homme par l’abbé, leur malheur était bien plus grand encore, car on découvrait leur tentative d’évasion, et on les séparait indubitablement : une nouvelle porte, plus forte, plus inexorable que les autres, s’était donc encore refermée sur eux.

— Vous voyez bien, disait le jeune homme avec une douce tristesse à Faria, que Dieu veut m’ôter jusqu’au mérite de ce que vous appelez mon dévouement pour vous. Je vous ai promis de rester éternellement avec vous, et je ne suis plus libre maintenant de ne pas tenir ma promesse ; je n’aurai pas plus le trésor que vous, et nous ne sortirons d’ici ni l’un ni l’autre. Au reste, mon véritable trésor, voyez-vous, mon ami, n’est pas celui qui m’attendait sous les sombres murailles de Monte-Cristo, c’est votre présence, c’est notre cohabitation de cinq ou six heures par jour, malgré nos geôliers, ce sont ces rayons d’intelligence que vous avez versés dans mon cerveau, ces langues que vous avez implantées dans ma mémoire et qui y poussent avec toutes leurs ramifications philologiques. Ces sciences diverses que vous m’avez rendues si faciles par la profondeur de la connaissance que vous en avez et la netteté des principes où vous les avez réduites, voilà mon trésor, ami, voilà en quoi vous m’avez fait riche et heureux. Croyez-moi et consolez-vous, cela vaut mieux pour moi que des tonnes d’or et des caisses de diamants, ne fussent-elles pas problématiques, comme ces nuages que l’on voit le matin flotter sur la mer, que l’on prend pour des terres fermes, et qui s’évaporent, se volatilisent et s’évanouissent à mesure qu’on s’en approche. Vous avoir près de moi le plus longtemps possible, écouter votre voix éloquente orner mon esprit, retremper mon âme, faire toute mon organisation capable de grandes et terribles choses si