Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/118

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Le capitaine Gaumard, remis de l’indisposition qui l’avait retenu à Palma, revint à son tour. Il hésitait à se présenter chez M. Morrel : mais celui-ci apprit son arrivée, et l’alla trouver lui-même. Le digne armateur savait d’avance, par le récit de Penelon, la conduite courageuse qu’avait tenue le capitaine pendant tout ce sinistre, et ce fut lui qui essaya de le consoler. Il lui apportait le montant de sa solde, que le capitaine Gaumard n’eût point osé aller toucher.

Comme il descendait l’escalier, M. Morrel rencontra Penelon, qui le montait. Penelon avait, à ce qu’il paraissait, fait bon emploi de son argent, car il était tout vêtu de neuf. En apercevant son armateur, le digne timonier parut fort embarrassé ; il se rangea dans l’angle le plus éloigné du palier, passa alternativement sa chique de gauche à droite et de droite à gauche, en roulant de gros yeux effarés, et ne répondit que par une pression timide à la poignée de main que lui offrit avec sa cordialité ordinaire M. Morrel. M. Morrel attribua l’embarras de Penelon à l’élégance de sa toilette : il était évident que le brave homme n’avait pas donné à son compte dans un pareil luxe ; il était donc déjà engagé sans doute à bord de quelque autre bâtiment, et sa honte lui venait de ce qu’il n’avait pas, si l’on peut s’exprimer ainsi, porté plus longtemps le deuil du Pharaon. Peut-être même venait-il pour faire part au capitaine Gaumard de sa bonne fortune et pour lui faire part des offres de son nouveau maître.

— Braves gens, dit Morrel en s’éloignant, puisse votre nouveau maître vous aimer comme je vous aimais, et être plus heureux que je ne le suis !

Août s’écoula dans des tentatives sans cesse renouvelées par Morrel de relever son ancien crédit ou de s’en ouvrir un nouveau. Le 20 août on sut à Marseille qu’il avait pris