Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’Afrique, si un signe quelconque dénonce notre séjour dans l’île, nous serons forcés, à notre retour à Livourne, de faire une quarantaine de six jours.

— Diable ! voilà qui change la thèse ! six jours ! Juste autant qu’il en a fallu à Dieu pour créer le monde. C’est un peu long, mes enfants.

— Mais qui dira que Son Excellence a été à Monte-Cristo ?

— Oh ! ce n’est pas moi, s’écria Franz.

— Ni nous non plus, firent les matelots.

— En ce cas, va pour Monte-Cristo.

Le patron commanda la manœuvre ; on mit le cap sur l’île, et la barque commença de voguer dans sa direction.

Franz laissa l’opération s’achever, et quand on eut pris la nouvelle route, quand la voile se fut gonflée par la brise, et que les quatre mariniers eurent repris leurs places, trois à l’avant, un au gouvernail, il renoua la conversation.

— Mon cher Gaetano, dit-il au patron, vous venez de me dire, je crois, que l’île de Monte-Cristo servait de refuge à des pirates, ce qui me paraît un bien autre gibier que des chèvres.

— Oui, Excellence, et c’est la vérité.

— Je savais bien l’existence des contrebandiers, mais je pensais que depuis la prise d’Alger et la destruction de la Régence, les pirates n’existaient plus que dans les romans de Cooper et du capitaine Marryat.

— Eh bien ! Votre Excellence se trompait : il en est des pirates comme des bandits, qui sont censés exterminés par le pape Léon XII, et qui cependant arrêtent tous les jours les voyageurs jusqu’aux portes de Rome. N’avez-vous pas entendu dire qu’il y a six mois à peine le