Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/149

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autre escorte que ces hommes, dans une île qui portait un nom fort religieux, mais qui ne semblait pas promettre à Franz une autre hospitalité que celle du Calvaire au Christ, grâce à ses contrebandiers et à ses bandits. Puis cette histoire de bâtiments coulés à fond, qu’il avait crue exagérée le jour, lui semblait plus vraisemblable la nuit. Aussi, placé qu’il était entre ce double danger peut-être imaginaire, il ne quittait pas ces hommes des yeux et son fusil de la main.

Cependant les mariniers avaient de nouveau hissé leurs voiles et avaient repris leur sillon déjà creusé en allant et en revenant. À travers l’obscurité, Franz, déjà un peu habitué aux ténèbres, distinguait le géant de granit que la barque côtoyait ; puis enfin, en dépassant de nouveau l’angle d’un rocher, il aperçut le feu qui brillait plus éclatant que jamais, et, autour de ce feu, cinq ou six personnes assises.

La réverbération du foyer s’étendait d’une centaine de pas en mer. Gaetano côtoya la lumière, en faisant toutefois rester la barque dans la partie non éclairée, puis, lorsqu’elle fut tout à fait en face du foyer ; il mit le cap sur lui et entra bravement dans le cercle lumineux en entonnant une chanson de pêcheurs dont il soutenait le chant à lui seul, et dont ses compagnons reprenaient le refrain en chœur.

Au premier mot de la chanson, les hommes assis autour du foyer s’étaient levés et s’étaient approchés du débarcadère, les yeux fixés sur la barque, dont ils s’efforçaient visiblement de juger la force et de deviner les intentions. Bientôt ils parurent avoir fait un examen suffisant et allèrent, à l’exception d’un seul qui resta debout sur le rivage, se rasseoir autour du feu, devant lequel rôtissait un chevreau tout entier.