Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous êtes le bienvenu chez moi, Monsieur, et vous pouvez ôter votre mouchoir.

Comme on le pense bien, Franz ne se fit pas répéter deux fois cette invitation ; il leva son mouchoir, et se trouva en face d’un homme de trente-huit à quarante ans, portant un costume tunisien, c’est-à-dire une calotte rouge avec un long gland de soie bleue, une veste de drap noir toute brodée d’or, des pantalons sang-de-bœuf larges et bouffants, des guêtres de même couleur brodées d’or comme la veste, et des babouches jaunes ; un magnifique cachemire lui serrait la taille, et un petit cangiar aigu et recourbé était passé dans cette ceinture.

Quoique d’une pâleur presque livide, cet homme avait une figure remarquablement belle ; ses yeux étaient vifs et perçants ; son nez, droit et presque de niveau avec le front, indiquait le type grec dans toute sa pureté, et ses dents, blanches comme des perles, ressortaient admirablement sous la moustache noire qui les encadrait.

Seulement cette pâleur était étrange ; on eût dit un homme enfermé depuis longtemps dans un tombeau, et qui n’eût pas pu reprendre la carnation des vivants.

Sans être d’une grande taille, il était bien fait du reste, et, comme les hommes du Midi, avait les mains et les pieds petits.

Mais ce qui étonna Franz, qui avait traité de rêve le récit de Gaetano, ce fut la somptuosité de l’ameublement.

Toute la chambre était tendue d’étoffes turques de couleur cramoisie et brochée de fleurs d’or. Dans un enfoncement était une espèce de divan surmonté d’un trophée d’armes arabes à fourreaux de vermeil et à poignées resplendissantes de pierreries ; au plafond pendait une lampe en verre de Venise, d’une forme et d’une couleur