Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/23

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Jamais joueur dont toute la fortune est en jeu n’eut, sur un coup de dés, les angoisses que ressentait Edmond dans ses paroxysmes d’espérance.

La nuit vint : à dix heures du soir on aborda ; la Jeune-Amélie était la première au rendez-vous.

Dantès, malgré son empire ordinaire sur lui-même, ne put se contenir : il sauta le premier sur le rivage ; s’il l’eût osé, comme Brutus, il eût baisé la terre.

Il faisait nuit close ; mais à onze heures la lune se leva du milieu de la mer dont elle argenta chaque frémissement ; puis ses rayons, à mesure qu’elle se leva, commencèrent à se jouer, en blanches cascades de lumière, sur les roches entassées de cet autre Pélion.

L’île était familière à l’équipage de la Jeune-Amélie : c’était une de ses stations ordinaires. Quant à Dantès, il l’avait reconnue à chacun de ses voyages dans le Levant, mais jamais il n’y était descendu.

Il interrogea Jacopo.

— Où allons-nous passer la nuit ? demanda-t-il.

— Mais à bord de la tartane, répondit le marin.

— Ne serions-nous pas mieux dans les grottes ?

— Dans quelles grottes ?

— Mais dans les grottes de l’île.

— Je ne connais pas de grottes, dit Jacopo.

Une sueur froide passa sur le front de Dantès.

— Il n’y a pas de grottes à Monte-Cristo ? demanda-t-il.

— Non.

Dantès demeura un instant étourdi ; puis il songea que ces grottes pouvaient avoir été comblées depuis par un accident quelconque, ou même bouchées, pour plus grandes précautions, par le cardinal Spada.

Le tout, dans ce cas, était donc de retrouver cette ouverture perdue, il était inutile de la chercher pendant la