Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/79

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les fonds, et a triplé, quadruplé ses capitaux, et veuf lui-même de la fille de son banquier, il a épousé une veuve, madame de Nargonne, fille de M. Servieux, chambellan du roi actuel, et qui jouit de la plus grande faveur. Il s’était fait millionnaire, on l’a fait baron ; de sorte qu’il est baron Danglars maintenant, qu’il a un hôtel rue du Mont-Blanc, dix chevaux dans ses écuries, six laquais dans son antichambre, et je ne sais combien de millions dans ses caisses.

— Ah ! fit l’abbé avec un singulier accent ; et il est heureux ?

— Ah ! heureux, qui peut dire cela ? Le malheur ou le bonheur, c’est le secret des murailles ; les murailles ont des oreilles mais elles n’ont pas de langue : si l’on est heureux avec une grande fortune, Danglars est heureux.

— Et Fernand ?

— Fernand, c’est bien autre chose encore !

— Mais comment a pu faire fortune un pauvre pêcheur catalan, sans ressources, sans éducation ? Cela me passe, je vous l’avoue.

— Et cela passe tout le monde aussi ; il faut qu’il y ait dans sa vie quelque étrange secret que personne ne sait.

— Mais enfin par quels échelons visibles a-t-il monté à cette haute fortune ou à cette haute position ?

— À toutes deux, Monsieur, à toutes deux ! lui a fortune et position tout ensemble.

— C’est un conte que vous me faites .

— Le fait est que la chose en a bien l’air ; mais écoutez, et vous allez comprendre.

— Fernand, quelques jours avant le retour, était tombé à la conscription. Les Bourbons le laissèrent bien tranquille aux Catalans, mais Napoléon revint, une levée extraordinaire fut décrétée, et Fernand fut forcé de