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IX

L’ATTELAGE GRIS-POMMELÉ.

Le baron, suivi du comte, traversa une longue file d’appartements remarquables par leur lourde somptuosité et leur fastueux mauvais goût, et arriva jusqu’au boudoir de madame Danglars, petite pièce octogone tendue de satin rose recouvert de mousseline des Indes ; les fauteuils étaient en vieux bois doré et en vieilles étoffes ; les dessus des portes représentaient des bergeries dans le genre de Boucher ; enfin deux jolis pastels en médaillon, en harmonie avec le reste de l’ameublement, faisaient de cette chambre la seule pièce de l’hôtel qui eût quelque caractère ; il est vrai qu’elle avait échappé au plan général arrêté entre M. Danglars et son architecte, une des plus hautes et des plus éminentes célébrités de l’empire, et que c’étaient la baronne et Lucien Debray seulement qui s’en étaient réservé la décoration. Aussi M. Danglars, grand admirateur de l’antique à la manière dont le comprenait le Directoire, méprisait-il fort ce coquet réduit où, au reste, il n’était admis en général qu’à la condition qu’il ferait excuser sa présence en amenant quelqu’un ; ce n’était donc pas en réalité Danglars qui présentait, c’était au contraire lui qui était présenté et qui était bien ou mal reçu selon que le visage du visiteur était agréable ou désagréable à la baronne.

Madame Danglars, dont la beauté pouvait encore être citée, malgré ses trente-six ans, était à son piano, petit