— Mais à elle seulement ; vous haïssez toujours ceux qui vous ont séparé d’elle ?
La comtesse se plaça en face de Monte-Cristo ; elle tenait encore à la main un fragment de la grappe parfumée.
— Prenez, dit-elle.
— Jamais je ne mange de muscat, madame, répondit Monte-Cristo, comme s’il n’eût été question de rien entre eux à ce sujet.
La comtesse lança la grappe dans le massif le plus proche avec un geste de désespoir.
— Inflexible ! murmura-t-elle.
Monte-Cristo demeura aussi impassible que si le reproche ne lui était pas adressé.
Albert accourait en ce moment.
— Oh ! ma mère, dit-il, un grand malheur !
— Quoi ? qu’est-il arrivé ? demanda la comtesse en se redressant comme si, après le rêve, elle eût été amenée à la réalité : un malheur, avez-vous dit ? En effet, il doit arriver des malheurs !
— Monsieur de Villefort est ici.
— Eh bien ?
— Il vient chercher sa femme et sa fille.
— Et pourquoi cela ?
— Parce que madame la marquise de Saint-Méran est arrivée à Paris, apportant la nouvelle que M. de Saint-Méran est mort en quittant Marseille, au premier relais. Madame de Villefort, qui était fort gaie, ne voulait ni comprendre, ni croire ce malheur ; mais mademoiselle Valentine, aux premiers mots, et quelques précautions qu’ait prises son père, a tout deviné : ce coup l’a terrassée comme la foudre, et elle est tombée évanouie.
— Et qu’est M. de Saint-Méran à mademoiselle de Villefort ? demanda le comte.