Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/201

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Raoul de Château-Renaud ; mais Morrel était d’extraction plébéienne, et Valentine savait le mépris que l’orgueilleuse marquise de Saint-Méran avait pour tout ce qui n’était point de race. Son secret avait donc toujours, au moment où il allait se faire jour, été repoussé dans son cœur par cette triste certitude qu’elle le livrerait inutilement, et qu’une fois ce secret connu de son père et de sa belle-mère, tout serait perdu.

Deux heures à peu près s’écoulèrent ainsi. Madame de Saint-Méran dormait d’un sommeil ardent et agité. On annonça le notaire.

Quoique cette annonce eût été faite très bas, madame de Saint-Méran se souleva sur son oreiller.

— Le notaire ? dit-elle ; qu’il vienne, qu’il vienne !

Le notaire était à la porte, il entra.

— Va-t’en, Valentine, dit madame de Saint-Méran, et laisse-moi avec monsieur.

— Mais, ma mère…

— Va, va.

La jeune fille baisa son aïeule au front et sortit le mouchoir sur les yeux.

À la porte elle trouva le valet de chambre, qui lui dit que le médecin attendait au salon.

Valentine descendit rapidement. Le médecin était un ami de la famille, et en même temps un des hommes les plus habiles de l’époque : il aimait beaucoup Valentine, qu’il avait vue venir au monde. Il avait une fille de l’âge de mademoiselle de Villefort à peu près, mais née d’une mère poitrinaire ; sa vie était une crainte continuelle à l’égard de son enfant.

— Oh ! dit Valentine, cher monsieur d’Avrigny, nous vous attendions avec bien de l’impatience. Mais avant toute chose, comment se portent Madeleine et Antoinette ?