Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/311

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— Dieu est grand !

Cependant ma mère avait encore quelque espérance. En descendant, elle avait cru reconnaître le Franc qui avait été envoyé à Constantinople, et dans lequel mon père avait toute confiance, car il savait que les soldats du sultan français sont d’ordinaire nobles et généreux. Elle s’avança de quelques pas vers l’escalier et écouta.

— Ils approchent, dit-elle ; pourvu qu’ils apportent la paix et la vie.

— Que crains-tu, Vasiliki ? répondit Sélim avec sa voix si suave et si fière à la fois ; s’ils n’apportent pas la paix, nous leur donnerons la mort.

Et il ravivait la flamme de sa lance avec un geste qui le faisait ressembler au Dionysos de l’antique Crète.

Mais moi, qui étais si enfant et si naïve, j’avais peur de ce courage que je trouvais féroce et insensé, et je m’effrayais de cette mort épouvantable dans l’air et dans la flamme.

Ma mère éprouvait les mêmes impressions, car je la sentais frissonner.

— Mon Dieu ! mon Dieu, maman ! m’écriai-je, est-ce que nous allons mourir ?

Et à ma voix les pleurs et les prières des esclaves redoublèrent.

— Enfant, me dit Vasiliki, Dieu te préserve d’en venir à désirer cette mort que tu crains aujourd’hui !

Puis tout bas :

— Sélim, dit-elle, quel est l’ordre du maître ?

— S’il m’envoie son poignard, c’est que le sultan refuse de le recevoir en grâce, et je mets le feu ; s’il m’envoie son anneau, c’est que le sultan lui pardonne, et je livre la poudrière.

— Ami, reprit ma mère, lorsque l’ordre du maître