Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/316

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Au milieu de tout cet affreux tumulte, au milieu de ces cris terribles, deux coups plus distincts entre tous, deux cris plus déchirants par-dessus tous les cris, me glacèrent de terreur. Ces deux explosions avaient frappé mortellement mon père, et c’était lui qui avait poussé ces deux cris.

Cependant il était resté debout, cramponné à une fenêtre. Ma mère secouait la porte pour aller mourir avec lui ; mais la porte était fermée en dedans.

Tout autour de lui, les Palicares se tordaient dans les convulsions de l’agonie ; deux ou trois, qui étaient sans blessures ou blessés légèrement, s’élancèrent par les fenêtres. En même temps, le plancher tout entier craqua brisé en dessous. Mon père tomba sur un genou ; en même temps vingt bras s’allongèrent, armés de sabres, de pistolets, de poignards, vingt coups frappèrent à la fois un seul homme, et mon père disparut dans un tourbillon de feu, attisé par ces démons rugissants comme si l’enfer se fût ouvert sous ses pieds.

Je me sentis rouler à terre : c’était ma mère qui s’abîmait évanouie.

Haydée laissa tomber ses deux bras en poussant un gémissement et en regardant le comte comme pour lui demander s’il était satisfait de son obéissance.

Le comte se leva, vint à elle, lui prit la main et lui dit en romaïque :

— Repose-toi, chère enfant, et reprends courage en songeant qu’il y a un Dieu qui punit les traîtres.

— Voilà une épouvantable histoire, comte, dit Albert tout effrayé de la pâleur d’Haydée, et je me reproche maintenant d’avoir été si cruellement indiscret.

— Ce n’est rien, répondit Monte-Cristo. Puis posant sa main sur la tête de la jeune fille :