Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/83

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— Ce qu’elle a ? dit madame de Villefort, c’est bien simple ; elle a que M. de Monte-Cristo nous raconte des histoires épouvantables, dans l’intention sans doute de nous faire mourir de peur.

— Mais oui, dit Villefort. En effet, comte, vous épouvantez ces dames.

— Qu’avez-vous donc ? répéta tout bas Debray à madame Danglars.

— Rien, rien, dit celle-ci en faisant un effort ; j’ai besoin d’air, voilà tout.

— Voulez-vous descendre au jardin ? demanda Debray, en offrant son bras à madame Danglars et en s’avançant vers l’escalier dérobé.

— Non, dit-elle, non ; j’aime encore mieux rester ici.

— En vérité, madame, dit Monte-Cristo, est-ce que cette terreur est sérieuse ?

— Non, monsieur, dit madame Danglars ; mais vous avez une façon de supposer les choses qui donne à l’illusion l’aspect de la réalité.

— Oh ! mon Dieu, oui, dit Monte-Cristo en souriant, et tout cela est une affaire d’imagination ; car aussi bien, pourquoi ne pas plutôt se représenter cette chambre comme une bonne et honnête chambre de mère de famille ? ce lit avec ses tentures couleur de pourpre, comme un lit visité par la déesse Lucine, et cet escalier mystérieux comme le passage par où, doucement et pour ne pas troubler le sommeil réparateur de l’accouchée, passe le médecin ou la nourrice, ou le père lui-même emportant l’enfant qui dort ?…

Cette fois madame Danglars, au lieu de se rassurer à cette douce peinture, poussa un gémissement et s’évanouit tout à fait.