Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

redevenait visible à ses yeux ou présente à son souvenir. Monte-Cristo savait tout, puisqu’il avait acheté la fille d’Ali-Pacha ; or, sachant tout, il avait conseillé à Danglars d’écrire à Janina. Cette réponse connue, il avait accédé au désir manifesté par Albert d’être présenté à Haydée ; une fois devant elle, il avait laissé l’entretien tomber sur la mort d’Ali, ne s’opposant pas au récit d’Haydée (mais ayant sans doute donné à la jeune fille dans les quelques mots romaïques qu’il avait prononcés des instructions qui n’avaient point permis à Morcerf de reconnaître son père) ; d’ailleurs n’avait-il pas prié Morcerf de ne pas prononcer le nom de son père devant Haydée ? Enfin il avait mené Albert en Normandie au moment où il savait que le grand éclat devait se faire. Il n’y avait pas à en douter, tout cela était un calcul, et, sans aucun doute, Monte-Cristo s’entendait avec les ennemis de son père.

Albert prit Beauchamp dans un coin et lui communiqua toutes ses idées.

— Vous avez raison, dit celui-ci ; M. Danglars n’est, dans ce qui est arrivé, que pour la partie brutale et matérielle ; c’est à M. de Monte-Cristo que vous devez demander une explication.

Albert se retourna.

— Monsieur, dit-il à Danglars, vous comprenez que je ne prends pas encore de vous un congé définitif ; il me reste à savoir si vos inculpations sont justes, et je vais de ce pas m’en assurer chez M. le comte de Monte-Cristo.

Et, saluant le banquier, il sortit avec Beauchamp sans paraître autrement s’occuper de Cavalcanti.

Danglars les reconduisit jusqu’à la porte, et, à la porte, renouvela à Albert l’assurance qu’aucun motif de haine personnelle ne l’animait contre M. le comte de Morcerf.