Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/293

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Puis, la natte supérieure abattue, Eugénie passa à celles de ses tempes, qu’elle abattit successivement, sans laisser échapper le moindre regret : au contraire, ses yeux brillèrent, plus pétillants et plus joyeux encore que de coutume, sous ses sourcils noirs comme l’ébène.

— Oh ! les magnifiques cheveux ! dit Louise avec regret.

— Eh ! ne suis-je pas cent fois mieux ainsi ? s’écria Eugénie en lissant les boucles éparses de sa coiffure devenue toute masculine, et ne me trouves-tu donc pas plus belle ainsi ?

— Oh ! tu es belle, belle toujours ! s’écria Louise. Maintenant, où allons-nous ?

— Mais, à Bruxelles, si tu veux ; c’est la frontière la plus proche. Nous gagnerons Bruxelles, Liège, Aix-la-Chapelle ; nous remonterons le Rhin jusqu’à Strasbourg, nous traverserons la Suisse et nous descendrons en Italie par le Saint-Gothard. Cela te va-t-il ?

— Mais, oui.

— Que regardes-tu ?

— Je te regarde. En vérité, tu es adorable ainsi ; on dirait que tu m’enlèves.

— Eh pardieu ! on aurait raison.

— Oh ! je crois que tu as juré, Eugénie ?

Et les deux jeunes filles, que chacun eût pu croire plongées dans les larmes, l’une pour son propre compte, l’autre par dévouement à son amie, éclatèrent de rire, tout en faisant disparaître les traces les plus visibles du désordre qui naturellement avait accompagné les apprêts de leur évasion.

Puis, ayant soufflé leurs lumières, l’œil interrogateur, l’oreille au guet, le cou tendu, les deux fugitives ouvrirent la porte d’un cabinet de toilette qui donnait sur un