Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Allez, dit Andrea, vous êtes un homme sans entrailles, et je vous ferai perdre votre place.

Ce mot fit retourner le gardien, qui, cette fois, laissa échapper un bruyant éclat de rire.

Alors les prisonniers s’approchèrent et firent cercle.

— Je vous dis, continua Andrea, qu’avec cette misérable somme je pourrai me procurer un habit et une chambre, afin de recevoir d’une façon décente la visite illustre que j’attends d’un jour à l’autre.

— Il a raison ! il a raison ! dirent les prisonniers… Pardieu ! on voit bien que c’est un homme comme il faut.

— Eh bien ! prêtez-lui les vingt francs, dit le gardien en s’appuyant sur son autre colossale épaule ; est-ce que vous ne devez pas cela à un camarade ?

— Je ne suis pas le camarade de ces gens, dit fièrement le jeune homme ; ne m’insultez pas, vous n’avez pas ce droit-là.

Les voleurs se regardèrent avec de sourds murmures, et une tempête soulevée par la provocation du gardien, plus encore que par les paroles d’Andrea, commença de gronder sur le prisonnier aristocrate.

Le gardien sûr de faire le quos ego, quand les flots seraient trop tumultueux, les laissait monter peu à peu pour jouer un tour au solliciteur importun, et se donner une récréation pendant la longue garde de sa journée.

Déjà les voleurs se rapprochaient d’Andrea ; les uns se disaient :

— La savate ! la savate !

Cruelle opération qui consiste à rouer de coups, non pas de savate, mais de soulier ferré, un confrère tombé dans la disgrâce de ces messieurs.

D’autres proposaient l’anguille : autre genre de récréa-