Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/179

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Un murmure ou plutôt une tempête d’indignation et de surprise éclata dans toutes les parties de la salle ; les juges eux-mêmes se regardèrent stupéfaits, les jurés manifestèrent le plus grand dégoût pour le cynisme qu’on attendait si peu d’un homme élégant.

Monsieur de Villefort appuya une main sur son front qui, d’abord pâle, était devenu rouge et bouillant ; tout à coup il se leva, regardant autour de lui comme un homme égaré : l’air lui manquait.

— Cherchez-vous quelque chose, monsieur le procureur du roi ? demanda Benedetto avec son plus obligeant sourire.

Monsieur de Villefort ne répondit rien, et se rassit ou plutôt retomba sur son fauteuil.

— Est-ce maintenant, prévenu, que vous consentez à dire votre nom ? demanda le président. L’affectation brutale que vous avez mise à énumérer vos différents crimes, que vous qualifiez de profession, l’espèce de point d’honneur que vous y attachez, ce dont, au nom de la morale et du respect dû à l’humanité, la cour doit vous blâmer sévèrement, voilà peut-être la raison qui vous a fait tarder de vous nommer : vous voulez faire ressortir ce nom par les titres qui le précèdent.

— C’est incroyable, monsieur le président, dit Benedetto du ton de voix le plus gracieux et avec les manières les plus polies, comme vous avez lu au fond de ma pensée ; c’est en effet dans ce but que je vous ai prié d’intervertir l’ordre des questions.

La stupeur était à son comble ; il n’y avait plus dans les paroles de l’accusé ni forfanterie ni cynisme ; l’auditoire ému pressentait quelque foudre éclatante au fond de ce nuage sombre.

— Eh bien, dit le président, votre nom ?