Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/259

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mande dix plats ou un seul, c’est toujours le même chiffre.

— Encore cette plaisanterie ! Mon cher ami, je vous déclare que c’est absurde, que c’est stupide ! Dites-moi tout de suite que vous voulez que je meure de faim. Ce sera plus tôt fait.

— Mais non, Excellence, c’est vous qui voulez vous suicider. Payez et mangez.

— Avec quoi payer, triple animal ? dit Danglars exaspéré. Est-ce que tu crois qu’on a cent mille francs dans sa poche ?

— Vous avez cinq millions cinquante mille francs dans la vôtre, Excellence, dit Peppino ; cela fait cinquante poulets à cent mille francs et un demi poulet à cinquante mille.

Danglars frissonna ; le bandeau lui tomba des yeux : c’était bien toujours une plaisanterie, mais il la comprenait enfin.

Il est même juste de dire qu’il ne la trouvait plus aussi plate que l’instant d’avant.

— Voyons, dit-il, voyons : en donnant ces cent mille francs, me tiendrez-vous quitte au moins, et pourrai-je manger à mon aise ?

— Sans doute, dit Peppino.

— Mais comment les donner ? fit Danglars en respirant plus librement.

— Rien de plus facile ; vous avez un crédit ouvert chez MM. Thomson et French, via dei Banchi, à Rome ; donnez-moi un bon de quatre mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit louis sur ces messieurs, notre banquier nous le prendra.

Danglars voulut au moins se donner le mérite de la bonne volonté ; il prit la plume et le papier que lui présentait Peppino, écrivit la cédule, et signa.