Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/19

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père connaissait les préjugés de nos paysans ; il savait que la croyance aux sorts, est encore fort répandue dans les campagnes. Il avait entendu raconter quelques terribles exemples de vengeance de la part d’ensorcelés qui avaient cru rompre le charme en tuant celui ou celle qui les avait charmés, et Mocquet, lorsqu’il était venu dénoncer la mère Durand à mon père, avait mis dans sa dénonciation un tel accent de menace, il avait serré les canons de son fusil de telle façon, que mon père avait cru devoir abonder dans le sens de Mocquet afin de prendre sur lui assez d’influence pour qu’il ne fît rien sans le consulter.

Aussi, croyant cette influence établie, mon père se hasarda-t-il à dire :

– Mais, avant qu’elle te le paye, mon cher Mocquet, il faudrait bien t’assurer qu’on ne peut te guérir de ton cauchemar.

– On ne peut pas, général, répondit Mocquet d’un ton assuré.

– Comment ! on ne peut pas ?

– Non ; j’ai fait l’impossible.

– Qu’as-tu fait ?

– D’abord, j’ai bu un grand bol de vin chaud avant de me coucher.

– Qui t’a conseillé ce remède-là ? C’est M. Lécosse ?

M. Lécosse était le médecin en renom de Villers-Cotterêts.

– M. Lécosse ? fit Mocquet. Allons donc ! Est-ce qu’il connaît quelque chose aux sorts ? Non, pardieu ! ce n’est pas M. Lécosse.

– Qui est-ce donc ?

– C’est le berger de Longpré.

– Mais un bol de vin chaud, animal ! tu as dû être ivre mort après l’avoir bu ?