Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/147

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— Le payement du premier semestre a donné soixante-cinq mille écus que le trésorier de l’épargne allait encaisser ce matin, lorsque je l’ai prévenu de n’en rien faire ; de sorte qu’au lieu de verser au trésor, il tient à la disposition de Votre Majesté l’argent de la taxe.

— Je le destinais aux guerres, duc.

— Eh bien, justement, sire. La première condition de la guerre, c’est d’avoir des hommes ; le premier intérêt du royaume, c’est la défense et la sûreté du roi ; en soldant la garde du roi, on remplit toutes ces conditions.

— La raison n’est pas mauvaise ; mais, à ton compte, je ne vois que quarante-cinq mille écus employés ; il va donc m’en rester vingt-mille pour mes régiments.

— Pardon, sire, j’ai disposé, sauf le plaisir de Votre Majesté, de ces vingt mille écus.

— Ah ! tu en as disposé ?

— Oui, sire, ce sera un à-compte sur ma traite.

— J’en étais sûr, dit le roi ; tu me donnes une garde pour rentrer dans ton argent.

— Oh ! par exemple, sire !

— Mais pourquoi juste ce compte de quarante-cinq ? demanda le roi, passant à une autre idée.

— Voilà, sire. Le nombre trois est primordial et divin ; de plus, il est commode. Par exemple, quand un cavalier a trois chevaux, jamais il n’est à pied : le second remplace le premier qui est las ; et puis il en reste un troisième pour suppléer au second, en cas de blessure ou de maladie. Vous aurez donc toujours trois fois quinze gentilshommes : quinze de service, trente qui se reposeront. Chaque service durera douze heures ; et pendant ces douze heures, vous en aurez toujours cinq à droite, cinq à gauche, deux devant et trois derrière. Que l’on vienne un peu vous attaquer avec une pareille garde !

— Par la mordieu ! c’est habilement combiné, duc, et je te fais mon compliment.