Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/196

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tention de cette femme ; nous sommes vaincus, résignons-nous.

Briquet n’avait pas perdu un mot de ce dernier dialogue, qui avait introduit un grand jour dans ses idées encore confuses ; il faisait donc mentalement ses préparatifs de défense, connaissant l’humeur de celui qui l’attaquait.

Mais Joyeuse, se rendant au raisonnement de Henri, n’insista point davantage ; il congédia pages, valets, musiciens et maestro.

Puis tirant son frère à part :

— Tu me vois au désespoir, dit-il ; tout conspire contre nous.

— Que veux-tu dire ?

— Le temps me manque pour t’aider.

— En effet, tu es en costume de voyage, je n’avais point encore remarqué cela.

— Je pars cette nuit pour Anvers avec une mission du roi.

— Quand donc te l’a-t-il donnée ?

— Ce soir.

— Mon Dieu !

— Viens avec moi, je t’en supplie !

Henri laissa tomber ses bras.

— Me l’ordonnez-vous, mon frère ? demanda-t-il, pâlissant à l’idée de ce départ.

Anne fit un mouvement.

— Si vous l’ordonnez, continua Henri, j’obéirai.

— Je te prie, du Bouchage, rien autre chose.

— Merci, mon frère.

Joyeuse haussa les épaules.

— Tant que vous voudrez, Joyeuse ; mais, voyez-vous, s’il me fallait renoncer à passer les nuits dans cette rue, s’il me fallait cesser de regarder cette fenêtre…

— Eh bien ?

— Je mourrais.

— Pauvre fou !