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De ce choix honorable, le charcutier était redevable aux exquises saucisses, aux oreilles farcies et aux boudins à la ciboulette qu’il fournissait autrefois à l’hôtellerie de la Corne d’abondance.

Dom Modeste, reconnaissant des bons repas qu’il avait faits autrefois chez maître Bonhommet, acquittait ainsi les dettes de frère Gorenflot.

Il est inutile de parler des offices et de la cave.

L’espalier du prieuré, exposé au levant et au midi, donnait des pêches, des abricots et des raisins incomparables ; en outre, des conserves de ces fruits et des pâtes sucrées étaient confectionnées par un certain frère Eusèbe, auteur du fameux rocher de confitures que l’hôtel de ville de Paris avait offert aux deux reines lors du dernier banquet de cérémonie qui avait eu lieu.

Quant à la cave, Gorenflot l’avait montée lui-même en démontant toutes celles de Bourgogne ; car il avait cette prédilection innée chez tous les véritables buveurs, lesquels prétendent, en général, que le vin de Bourgogne est le seul qui soit véritablement du vin.

C’est au sein de ce prieuré, véritable paradis de paresseux et de gourmands, dans cet appartement somptueux du premier étage, dont le balcon donne sur le grand chemin, que nous allons retrouver Gorenflot orné d’un menton de plus, et de cette sorte de gravité vénérable que l’habitude constante du repos et du bien-être donne aux physionomies les plus vulgaires.

Dans sa robe blanche comme la neige, avec son collet noir qui réchauffe ses larges épaules, Gorenflot n’a plus autant de liberté de geste que dans sa robe grise de simple moine, mais il a plus de majesté.

Sa main grasse comme une éclanche s’appuie sur un in-quarto qu’elle couvre complètement ; ses deux gros pieds écrasent un chauffe-doux, et ses bras n’ont plus assez de longueur pour faire une ceinture à son ventre.